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Au point où il en est, il n'y a plus que l' humour - noir - qui l' empêche encore de mal tourner... LE MONDE !

Tue ta télé avant qu'elle ne te tue !!!

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 Tue ta télé avant qu'elle ne te tue !!! (Tag lu sur le mur d'en face)
Voici l'extrait d'un article sur les bienfaits de la télé pour pérenniser l'Homme dans la déchéance dont il semble si fièr. (Selon la leçon 421 de "Comment se faire plein d'amis en 666 leçons" éd. Louis Shieffer, je ne donne bien sûr jamais mes sources parce qu'il est écrit de "ne jamais donner de perles aux cochons" grouik-grouik ! Par contre, je vous les envoie bien volontiers contre 12 timbres.) .............

L'énergie de l'atome, dès que le schéma scientifique en fut élaboré, détermina la fatalité de la bombe porteuse d'une puissance de destruction encore jamais égalée. On s'y précipita à marche forcée et, quand elle explosa, elle ouvrit le monde en deux et prépara une manière d'apocalypse - car rien, jamais, ne s'inscrirait plus comme avant dans la logique d'une histoire événementielle. Non pas tellement par les effets de la bombe elle-même (encore qu'ils fussent monstrueusement inédits): la guerre avait fait souvent en une seule action des victimes en plus grand nombre (Dresde, par exemple). Mais parce qu'elle annonçait la recherche tâtonnante d'un autre point de vue sur la nature, d'où les certitudes d'antan seraient pour toujours exclues. Avec l'atome, en effet, deux hypothèses fondatrices avaient vu le jour: la relativité et la compréhension «quantique» de l'Univers. On franchissait de la sorte une limite - on quittait l'époque du strict enchaînement des causalités pour entrer dans l'ère des contingences, des synchronicités... La question du sens de la vie, éternelle et lancinante question, venait simplement d'être posée différemment. C'est en effet après cette ère que l'on doit situer la survenue de la télévision.
Elle n'est pas directement la fille du cinéma, même si elle le rappelle par de nombreux aspects, comme la bande dessinée rappelle le livre illustré. Elle descendrait plutôt de la radio, dont elle a annexé une grande partie du territoire, mais, bien entendu, elle ne fait référence qu'à l'image et aux formes. Elle est à l'origine d'un profond bouleversement dans la perception du monde et d'une représentation de la réalité sans précédent sur la terre, sinon dans les contes de fées. C'est, dans le vrai sens du mot, un objet «quantique», puisqu'elle découpe la connaissance en paquets discontinus et autonomes. Elle est témoin de son temps, alors que l'Histoire n'est plus compréhensible par les codes jusque-là en vigueur. L'espace télévisé n'a pas toujours été perçu comme nocif; au contraire, il était même reçu comme plutôt bon enfant: le cinéma à domicile, le café-théâtre, les nouvelles qui imitaient les actualités de quartier et les informations de la radio, les sports, les voyages... C'était en somme un jouet pour adulte, un jouet magique, une fenêtre sur la vie, affranchie des contraintes du temps et de l'espace, donnant un point de vue ludique, un peu voyeur et nonchalant, sur les affaires d'ici-bas, et façonnant en quelque manière la culture d'un honnête homme au gré de ses choix. C'est ce que d'aucuns pensent encore. Après tout, nul n'est forcé de la regarder.

La multiplicité des chaînes et des programmes permet de «zapper» pour sélectionner à loisir son émission préférée, et si l'on n'est pas satisfait, on peut tout simplement éteindre pour se livrer à d'autres activités, ou aller se promener. ...Mais ce n'est pas ainsi que cela se passe - parce que la télévision est beaucoup plus insidieuse par les effets pervers qu'elle a déclenchés. Introduite dans chaque foyer, son usage a contribué à démailler les liens familiaux, dans la mesure où ils existaient encore. Les appartements des villes industrielles n'admettent pas la cohabitation de trois générations, faute d'espace, et les grands-parents ne participent en général plus à l'éducation, puisqu'ils finissent leur vie ailleurs. Les parents consacrent moins d'attention à l'éducation des enfants, faute de temps. C'est ainsi que la télé arrive à s'immiscer dans cette absence de magie, d'irrationnel, de tendresse, de rire et d'émotions que détenaient les grand-mères, et qu'elle est devenue une manière de gardien du foyer en captivant le regard et l'intérêt des petits. La capture du regard est d'ailleurs la spécificité de la télé: quand on regarde, on ne peut avoir d'autres activités. Pour conserver ce regard, elle a inventé peu à peu les moyens de cette emprise et conditionné les spectateurs à comprendre son langage. Dans les premiers temps du cinéma, les gens, éduqués par le théâtre, mirent du temps à saisir les nouvelles libertés permises par la caméra. Dans un film, par exemple, on pouvait à la fois défiler dans la rue et, la seconde d'après, avoir le point de vue de celui qui regarde ce défilé de son balcon. C'était précisément cette liaison à la vitesse de l'éclair, cette transition d'un personnage à l'autre qui était la nouveauté, et qu'il fallait acquérir. De même, pour montrer que le temps passe, on pouvait finir un plan en diaphragmant lentement jusqu'à ce que tout devienne noir et, quand le diaphragme se rouvrait lentement l'instant d'après, cela signifiait qu'une certaine durée s'était écoulée - quelques jours, quelques mois... quelques années. Ces trucs devenaient un langage familier pour tous. Montrer une scène d'en haut, comme si quelqu'un la regardait depuis le plafond, voulait dire que le destin, la fatalité désormais allait s'exprimer inexorablement sur les décisions ou les aventures des héros - comme si l'on avait montré le regard de Dieu...

La télévision bien sûr hérita de ces trouvailles, mais découvrit également ses propres règles et ses cadrages. Dans la vraie vie, il y a des hauts et des bas, des moments de silence et d'autres d'euphorie, des moments de recueillement et d'autres d'ennui. La télévision, elle, devait entretenir un état de veille permanent. Elle ne pouvait pas se permettre ces ruptures de rythme, sous peine de perdre ses clients. Alors, pour fasciner ses fidèles, pour les retenir coûte que coûte, elle dut transformer en spectacle toutes les manifestations qu'elle relatait - à commencer par les nouvelles du monde. Pour que les téléspectateurs puissent capter une information, qui sollicite tout de même une mise en perspective, elle comprit qu'il fallait la livrer de façon brève, très dense et finie. Il fallait donc la transformer en un tout petit scénario - le cousin germain du «clip» - chargé d'émotion, d'horreur et de violence, pour frapper et sidérer l'imagination, pour rendre recevable la dépêche... Si l'on n'avait pas d'image à montrer, si elles débordaient en longueur ou en violence, ou au contraire en banalité, elles ne répondaient plus au formatage et ne méritaient pas d'exister. C'était un morceau de réalité qui allait à la poubelle... Du coup, le monde a semblé étrange, sauvage et désespérant. Une éternelle guerre se livrait partout dans les lointains, une famino-sécheresse ravageait tel ou tel recoin du monde, tandis qu'une catastrophe épouvantable se produisait sous nos yeux à chaque instant. Les avions tombaient, les ferries coulaient, les trains déraillaient, tandis que les volcans explosaient, que la terre tremblait, et que la pauvre planète, usée par les déchets, roulait sans espoir dans son orbite creuse. Le présentateur ou la présentatrice n'en avaient que plus de mérite de maintenir bravement - ils y montraient leur talent et gagnaient leur gloire - un lien entre les sports et la météo, dans l'incohérence du monde... Mais ce monde se désarticulait quand même, nos yeux en étaient témoins, dans des soubresauts d'agonie. Le paysage de la terre ne s'était pas brusquement changé en enfer, mais les images, hors de leur contexte, venaient quand même le suggérer. Même si l'on «zappait», toutes les chaînes disaient la même chose! et amenaient insidieusement à la perception du monde atemporel, ravagé de violence, sans répit et sans miséricorde. Il n'y avait plus ni passé ni futur, et le seul mouvement dans cette durée, dans cette statique, était donné par l'actualité, qui poussait sans cesse des nouvelles séries sur les anciennes.

Pour compenser cette impression d'impuissance, la télé fournissait des distractions, des jeux, des émissions auxquelles on pouvait éventuellement participer physiquement, si l'on avait la chance d'être sélectionné. Elle offrait également des sports, des shows et des films, mais, pour attirer l'attention du plus grand nombre, ils devaient avoir la faculté de faire lever une grande moisson émotionnelle. Elle employait de vieux procédés: violence, angoisse, érotisme, burlesque, attendrissement, pitié, dégoût... L'appareil enfoncé dans la familiarité feutrée de l'appartement brassait en réalité, dans le quotidien tranquille des courants primitifs comme en une transe archaïque, barbare et fascinante... Mais chacun, le vivant dans sa propre intimité, ignorait qu'il s'agissait d'une manifestation collective. A vrai dire, les spectateurs avaient acquis à son endroit une attitude ambiguë, sachant bien que ce qu'ils voyaient n'était pas tout à fait vrai...mais étant également persuadés que ce n'était pas tout à fait faux non plus. Petit à petit, une prothèse de réalité ainsi générée par la télévision s'est installée en parasite entre la perception du monde par les sens, l'intelligence et la compréhension personnelle... et cet étalage virtuel, très convaincant, apporté par l'écran à domicile. Une réalité artificielle, aux propriétés de loupe, grossissant les événements, et pas n'importe lesquels, pour les amener à l'existence, à l'instar des vrais faits. Du coup, pour nombre d'illusionnistes, de poètes et d'aventuriers, il était autrement plus facile de se mouvoir dans ce drôle de monde et d'y faire des gestes que de s'imposer dans la vraie vie où les actions se construisent, se mûrissent et s'arrachent au prix de la souffrance souvent, et de l'effort. Il suffisait de bien connaître les mécanismes et les rouages de la création de cette usine à fantômes, de fréquenter les auteurs et acteurs, producteurs, réalisateurs et journalistes - mais surtout les diffuseurs pour y parvenir. On pouvait alors surgir de nulle part et acquérir, dans cet espace, une notoriété immédiate. Le temps d'un passage, et l'on pouvait au minimum être reconnu par ses voisins, amis et connaissances, ou faire une carrière. Une œuvre sociale humanitaire acquérait du jour au lendemain une importance considérable. Un mouvement politique ou un groupe débouchait sur cette scène et prenait une dimension nationale, inédite, comme monte un soufflé, pour retomber aussitôt sorti du four... Car la faiblesse ou la force de cet endroit était de ne pas pouvoir mémoriser - on ne peut mémoriser les ombres, bien qu'on les voie... Se maintenir nécessitait donc des passages sans cesse répétés. Les hommes politiques comprirent tout l'intérêt de fréquenter cet espace virtuel qui leur donnait la vie et la chance de démontrer publiquement le bien-fondé de leurs thèses, actions, convictions. Ils étaient plébiscités s'ils avaient su acquérir une présence de scène, la maîtrise de leur rôle, par des mimiques, des regards, des mots simples, des gestes sobres et précis, des maintiens graves et posés, une voix mesurée. Pour avoir l'accent de la sincérité, il fallait regarder droit devant soi, braquer avec intensité son regard sur l'œil rond et noir de la caméra, au fond duquel il n'y a rien... Et ceux qui permettaient la diffusion, ceux-là étaient les véritables puissances, auteurs de ces déviations.

C'est ainsi que, de proche en proche, une fausse relation à un faux réel s'est instaurée entre les hommes. Les nouvelles se sont mises à ressembler aux téléfilms et les téléfilms ont redoublé de violence. Les gens se sont mis à croire qu'ils étaient eux-mêmes dans un film qui racontait la vie quotidienne, et ils ont suscité des caméras. Les caméras ont fait des reportages, ces reportages ont induit de nouveaux comportements, et le monde a semblé bien solitaire. Car les récits, les reportages, les téléfilms et les émissions n'ont pas pour objet de décrire le vrai monde, mais seulement de fabriquer un espace schématique, compréhensible par tous, qui serve de support à ces projecteurs. Chacun finit par y perdre son bon sens et son goût, négligeant insidieusement les liens de sa vie propre pour mimer ceux de la télé; la société s'uniformise en s'amollissant, le culte des héros individualistes, brutaux et tranquillement prêts à tous sert de référence... Les nouvelles émissions, les reality shows, permettent même de descendre dans cette auge pour être intégré au flux des images, quand elles font exploser le cœur même de l'intimité et dépossèdent les hommes de leur ultime rempart du Moi. Peu à peu, l'ensemble de la société s'en trouve normalisé et évolue par gravité vers une sorte d'anomie, de déstructuration. La tyrannie de la télé a fini par dominer, en influençant habitudes, comportements et culture, à dilacérer cette perception innée de l'Autre et rien n'existe plus, sinon par le rapport que l'on entretient avec cette prothèse qui miroite, et dit qu'elle existe parce qu'on la voit et croit qu'elle est réalité. La substance du monde s'est vidée dans le monde des images, dont la particularité étonnante est d'être perçue comme une manifestation vivante, mais sans existence... On se croit alors soi-même un acteur de cet immense scénario, une ombre dans ce théâtre d'ombres, que l'on peut valider quand passe une caméra, pour devenir un instant présent dans cette virtualité. A ce moment, ce que je fais à autrui n'a d'importance que par rapport au scénario. L'autre n'existe pas plus que les héros des séries... et mes actes n'ont pas plus de portée que les gestes du rocker s'agitant dans la manifestation d'un clip, le temps de sa représentation. Quoi que je lui fasse, il fera comme moi, il disparaîtra et ira tout à l'heure interpréter un autre rôle, un autre bout de destin, s'il a de la chance un petit bout d'essai... voilà ce que je suis et qui est mon prochain... Si l'image est devenue toute-puissante, si le monde a été recréé (à l'image de qui, d'ailleurs?) en autoréférencement par la télé, la publicité et le clip ont été ses principaux auxiliaires.

Toutes les villes d'Occident ont vu leurs murs et leurs écrans dévorés d'objets rutilants à désirer et d'images de femmes splendides, de jeunes gens beaux, superbes et vigoureux, d'enfants angéliques et de figures du troisième âge rassurantes et patriarcales, de campagnes, de grands espaces et de sources, pour mieux comprendre, pour renforcer le culte du «maintenant», de la possession, de la consommation. Ces idéaux ont été la référence, le paradis terrestre promis parce que montré et donc virtuellement accessible, avec des slogans séduisants, accrocheurs, amusants, des petites musiques et des groupes de jeunes gens effrontés, sympathiques, bruyants et ravageurs... Les images hédonistes ont proliféré pour masquer l'angoisse d'un vieux monde qui se défaisait. Pour que les jeunes ne le sachent pas, on a diffusé des appareils à bon marché que l'on se met sur les oreilles: les baladeurs, où chacun dans son intimité écoute la musique de toutes ses forces, à s'en éclater les oreilles, pour se donner une sorte de transe, de stupeur rassurante, marquée par le rythme de la batterie, qui rappelle invinciblement celui du cœur de la mère perçu par le fœtus... La régression est complète. Le continuum est dissocié. Ne restent que des petits paquets de représentation, s'arrangeant en kaléidoscope tourbillonnant au gré de l'actualité, où l'on ne retrouve plus de projet, plus d'horizon, qu'un arrangement barbare, syncopé, diabolique, rendant encore plus prégnant cet adjectif «diabolique», qui signifie en fait: séparé, coupé, éclaté.

Les images plein les yeux, la musique plein les oreilles, les jeunes de l'aube découvrent l'écriture pour laisser la trace de leur passage en tags multicolores encore informes, dans une vie qui à leur sens ne signifie rien.

Ecrit par Cornelius, le Dimanche 15 Février 2004, 07:29 dans la rubrique "1 - ZONE LIBRE".

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