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Tout ce qui n'est pas simple n'est pas de Dieu.
"Tout ce qui n'est pas simple n'est pas de Dieu".
Je m'explique: le fini n’est pas en face de l’infini à la manière de deux partenaires ou adversaires: l’infini n’est pas vrai infini s’il est opposé à un fini, précisément parce qu’il serait déterminé, limité par celui-ci; l’infini ne peut être que la totalité structurée du fini. Il en découle que ce qui est fini n’a pas de consistance vraie: sur le plan du concept comme sur celui de l’existence, il se défait et s’annihile lui-même, non point pour disparaître, mais pour être compris comme aspect particulier sans lequel ce Tout ne serait pas, mais aussi comme aspect qui ne peut pas être transformé en substance existant par elle-même; kantien sur ce point décisif, Hegel s’oppose à son grand prédécesseur en affirmant que la raison est parfaitement capable de penser par elle-même le sensible, du moins en ce qu’il possède de structure et de raison. Ce n’est pas "comme si" le monde était raisonnable: s’il convient de parler d’un "comme si", c’est "comme si" le fait ou le concept isolés étaient compréhensibles en eux-mêmes sans être ramenés par la dialectique à leur rôle de simple aspect (moment), pourtant essentiel à sa place. Il suffit, pour s’en convaincre, d’essayer de maintenir tel concept particulier en lui-même: il se retournera, et l’Être pur, parce que pur de toute détermination, se montrera comme Néant; la cause, n’étant que dans ses effets, aura son être en ceux-ci. Cette dialectique n’est cependant pas ce qu’on appelle une méthode, un procédé inventé pour obtenir certains résultats auparavant envisagés et déclarés souhaitables. Elle n’est pas, non plus, exigence d’un discours qui voudrait parler d’un point de vue qui serait situé en dehors de la réalité – entreprise insensée puisqu’un tel point de vue ne saurait exister. Elle est l’exposition du processus intemporel dans lequel le discours de la raison expose et explicite (dé-veloppe) ce qui est en tant qu’il est, et où s’expose la situation de tout particulier à l’intérieur de ce processus. Elle est en même temps et inséparablement le mouvement intemporel de la réalité même, qui se dit dans le discours de la raison, se dit elle-même, puisqu’un être qui ne serait pas pensé, une pensée qui ne serait pas pensée de ce qui est, qui ne serait pas dans l’Être et de l’Être, seraient autant d’impossibilités. Le philosophe n’invente rien, il n’apporte rien, il assiste simplement à un développement, au spectacle dans lequel toute particularité qui veut se maintenir se retourne en son contraire sans pourtant disparaître, où le nouveau est justement le renversement du précédent, ne se comprend qu’en tant que tel, est donc cet antérieur qui, sublimé, dure dans cette négation, non de lui-même, mais de sa prétention à la réalité inconditionnée (aufgehoben). La raison incarnée dans les structures sensées et compréhensibles de la réalité naturelle, historique, morale, politique, religieuse, dans tous ses aspects sans exception, ne se refuse pas à la raison consciente d’elle-même, à celui qui, en accédant à ce savoir de la raison, cesse d’être philosophe, éternel chercheur de vérité, pour devenir celui qui sait, sage. La raison est donc tout et en tout. Elle l’est encore quand il s’agit de l’individu humain, qui n’est plus, comme c’était le cas aux yeux de Kant, le centre d’une philosophie qui devait donner sens et direction à la vie des hommes: le seul objet, le seul sujet est la raison, le discours devenu absolument cohérent puisque sans extérieur qui lui résisterait. L’individu en son individualité doit être pensé, ce n’est pas lui en tant qu’individu déterminé qui pense, mais la raison en lui; le sens de son existence n’est pas à créer: pensant, il n’a qu’à le découvrir, puisqu’il existe dans l’histoire, la société, l’État, auxquels l’individu appartient, où il est universalisé dans et par les institutions. Seuls la révolte (viva Zapata) contre la raison immanente et le refus de se penser à sa place dans le monde peuvent conduire à une affirmation, arbitraire et en tant que telle comprise par la philosophie (et par les institutions raisonnables qui garantissent la liberté de l’individu, mais dans la mesure où il est raisonnable), d’une individualité empirique, originale, indépendante, c’est-à-dire fausse, à moins que la passion qui la pousse ne la dirige, sans qu’elle le veuille ou sache, dans la direction de ce que, objectivement, la raison a voulu, à un résultat à partir duquel l’entreprise se montrera comme ayant été requise pour une réalisation plus ample et plus profonde de la liberté raisonnable, de la raison qui est ce qui libère de l’inconscient des passions égocentriques et destructrices. Sur le plan de l’individualité historique comme sur celui de la nature, le déraisonnable, l’a-raisonnable existent donc: le concept, lorsqu’il s’agit des détails de la nature ou de l’organisation sociale, ne pénètre pas l’"écorce extérieure". A part ça, ça va chez vous ? Mais cette limite n’est limite que là où le fini est en question en sa finitude, précisément en sa non-consistance, en ce qu’il a de fortuit, de caduc, d’accidentel – de cet accidentel qui est compris par la raison comme accidentel nécessaire. Le petit Jérôme attend sa maman à la réception. C’est une nécessité ontologique que l’individuel empirique existe en tant que tel: le discours de la raison n’en est ni limité ni réfuté. Encore ce qui se refuse à la pensée est pensé en sa fonction et à sa place dans le discours. Ce qui est, c’est la raison du monde dans toutes les dimensions du cosmos naturel et intellectuel, et c’est, inséparablement, la pensée de cette raison cosmique dans la pensée consciente d’elle-même, raison subjective-objective qui, lorsqu’elle prend son départ du subjectif, finit par comprendre qu’elle ne se comprend elle-même qu’en reconnaissant qu’elle est dans le monde et du monde, qui, en prenant son départ de ce que, pour commencer, elle voit comme son extérieur, finit par admettre que cet extérieur ne serait pas s’il n’était pas pensé comme extérieur pour et dans la pensée: ontologie et logique coïncident dans une onto-logique. La tâche que, inconsciemment, la raison s’était donnée depuis qu’elle avait commencé de parler (et de parler d’elle-même comme n'importe quel égoïste), elle paraît donc l’avoir accomplie. Aucun inconnaissable, aucun indicible ne limite plus son empire; aucune foi, pour raisonnable qu’elle soit, n’est plus requise pour achever ce qui autrement aurait été inachevable (qu'est-ce que j'en ai chié pour trouver un texte aussi con); aucun au-delà inaccessible à la pensée n’existe plus; il ne subsiste aucune pensée subjective, limitée par une passivité inhérente à l’esprit humain, qui se trouverait renvoyée à un pur "comme si" – comme si elle était incapable de penser cette totalité que, en fait, elle pense à l’aide de son "comme si", maintenant reconnu comme réserve superflue et injustifiable d’un entendement qui se prend pour la raison (à l’intérieur de laquelle il reçoit la reconnaissance de tous ses droits, mais en tant que moments et aspects particuliers): il ne s’agit plus du penser de l’individu limité, fini, il s’agit de ce qui est pensé dans toute pensée, de la pensée à laquelle se révèle la réalité, dans laquelle la réalité se montre en sa vérité, cette vérité n’étant pas celle de l’entendement et de la simple non-contradiction, mais l’Être même tel qu’il se déploie dans ses manifestations particulières, reprises dans le Tout qui est Raison-Être, devenu conscient de lui-même dans une conscience de soi non individuelle, celle du discours absolument cohérent. Toute particularité est contradictoire avec toute autre et en elle-même; la totalité des contradictions, totalité organisée sans qu’un sujet organisateur ait eu à y intervenir, est la réconciliation absolue du sujet avec l’objet, de la pensée avec une réalité qui ne lui est plus extérieure, l’unité de la pensée finie et réfléchissante avec la pensée absolue en laquelle elle se pense en pensant son monde comme informé par la raison (dans l’idée absolue). Ce qui induit obligatoirement le débat contemporain dans lequel ça rentre mieux avec de la vaseline, la situation contemporaine est caractérisée, d’une part, par la persistance d’une tradition qui remonte à Platon, Aristote, Kant, Hegel et mon beau frère Léon; d’autre part, par celle d’une protestation contre les prétentions d’une raison qui se veut autonome et irréductible, d’une critique qui est aussi ancienne que la thèse qu’elle combat: la sophistique, l’empirisme, le scepticisme (mondain ou religieux) sont aussi vieux que ce qu’on appelle le rationalisme. Et dire qu'on paye des gens très intelligent pour se masturber le cerveau, voilà ce que ça donne, mais fermez les universités et ouvrez des saboteries. Il est cependant évident que le débat contemporain se présente sous des formes et dans des perspectives qui appartiennent en propre à l’époque actuelle. Les positions rationalistes semblent être défendues surtout par des philosophes qui, consciemment, se considèrent comme continuateurs de la tradition, tandis que leurs adversaires visent à renouveler les problèmes autant que les réponses, sans cependant repousser tout lien avec le passé, de telle façon que l’on rencontre certaines attitudes intermédiaires. Le positivisme logique, tout en niant la possibilité d’une pensée qui dépasse les limites de la connaissance scientifique, maintient que seul un discours cohérent peut être reconnu comme scientifique: Wittgenstein, développant (dans sa première façon de penser, telle qu’elle s’exprime dans le Tractatus logico-philosophicus) la structure idéale d’un discours à la fois cohérent et vérifiable, reconnaît l’existence d’une pensée tout autre, mais dont on ne peut pas parler dans le seul langage sensé qu’il admette. Une position analogue, mais non identique, est celle du pragmatisme positiviste qui, lui aussi, limite la raison à ce que Kant appelait l’entendement, la faculté de s’orienter dans le monde donné à l’aide du calcul appuyé sur l’expérience et l’organisant; mais, tandis que le positivisme logique (de même que la logistique moderne) ne s’intéresse qu’au discours correctement formé, le positivisme pragmatique situe le critère au plan de l’action efficace, Ariel lave plus blanc. L’analyse linguistique (linguistic analysis) de l’école d’Oxford (à la suite de Wittgenstein, qui en a été un des inspirateurs, surtout dans la seconde phase de son évolution) veut éliminer les faux problèmes nés d’un usage irréfléchi et inconsidéré du parler de tous les jours, en en décelant, à l’aide du critère de la cohérence, les contradictions et absurdités cachées. L’opposition se montre plus tranchée, parfois fondamentale, là où la raison n’est plus tenue pour autonome, ne serait-ce que dans certaines limites. J'ai à vendre une Toyota bleu en parfait état. De telles "critiques de la raison 100% pure, de la bonne j'te dis" procèdent de différentes conceptions de la nature de l’homme: on voit son fond dans d’autres facultés, plus profondes, plus authentiques, plus puissantes. Des interprétations religieuses iront facilement dans cette direction: l’homme est déchu parce qu’il est d’abord désir aveugle, exposé à la tentation, incapable de sonder son propre cœur; seules la foi, d’un côté, la grâce, de l’autre, non la raison impuissante, disent ce qu’il est et ce qu’il doit être, et ce n’est que dans une illumination qui ne dépend pas de lui qu’il peut entrer en contact avec ce qui est au-delà de toute pensée abstraite (K. Barth). Ce n’est un paradoxe qu’en apparence si des vues identiques sont développées par des penseurs qui se situent loin de toute religion révélée: aux yeux de Schopenhauer, qui en avait deux, l’homme est volonté se servant d’une raison trompée, poil au nez, comme d’un outil afin de poursuivre une fin insensée, jusqu’au moment où cette même raison se retourne sur elle-même et sur la force aveugle qui la pousse, pour s’abolir en même temps que la volonté. Si Nietzsche, avec une sorte d’héroïsme intellectuel, dit "oui" à cette volonté (de puissance) tout en accordant que son "oui" signifie l’acceptation de la souffrance, si cette acceptation devient chez lui affirmation joyeuse, il ne fait que changer le signe de l’équation schopenhauerienne: pour les deux, la raison est à l’opposé de la vie voulue par l’un, refusée par l’autre. Le problème de la valeur de la vie ne se pose pas pour Bergson, qui oppose rationalité (spatialisation) et intuition de la durée intérieure: la raison, conçue comme raison scientifique, est à la surface, superficielle, cachant ce qui n’est accessible que dans une saisie immédiate, vécue. De telles vues ont exercé une grande influence sur la poésie et la littérature, du romantisme au surréalisme, de même que ces mouvements ont agi à leur tour sur une pensée qui cherche au-delà du calcul, poil au cul, et de l’impersonnel d’un discours, qui, étant celui de tout le monde, n’est celui de personne: l’existentialisme, soit chrétien à la suite de Kierkegaard, soit athée avec Nietzsche et Sartre, en appelle à une liberté de la décision radicalement personnelle, essentiellement non universelle. Heidegger, dans sa première philosophie, a marché dans cette direction, avant que son antirationalisme ne l’ait conduit à se détourner des étants (et de l’homme comme étant) pour penser, avec les poètes et de manière non discursive, l’Être même, inaccessible à toute raison raisonnante. Quelqu'un aurait de l'aspirine ? Les écoles qu’on pourrait appeler celles de l’interprétation (ou de la réduction) de la rationalité maintiennent un idéal de raison, quoique non toujours de manière clairement exprimée. La psychanalyse (Freud, Jung, Desproges, ...) constate que les discours et les actions des hommes se contredisent, quoique les discours se donnent pour cohérents en eux-mêmes et avec la réalité: au lieu de vraie rationalité, il s’agit de pseudo-rationalisations que, cependant, la raison parvient à démasquer et à ramener à la vraie cohérence, laquelle reste ainsi l’idéal et le point cardinal sur lequel s’oriente l’entreprise. Il n’en est pas autrement des explications historiques, sociologiques, politiques de la fausse conscience de certains groupes, de ces idéologies, systèmes d’autodéfense d’intérêts particuliers qui se présentent comme des intérêts universels, mais révèlent leur vrai caractère dans la contradiction entre leurs principes affirmés et leurs actions; ici encore, l’attaque porte sur la fausse raison et est menée au nom de la vraie, celle de l’universalité véritable de cuisine. D’autres thèses, de même provenance et de même inspiration, vont plus loin, en considérant l’idéal de raison et de discours cohérent comme historiquement particulier et parlent alors d’ethnocentrisme : la raison et tout ce qui s’y rattache comme problématique ou axiomatique n’a de sens que dans notre civilisation méditerranéenne et n’a aucun droit à une validité concrètement universelle (ce qui ne signifie pas que les tenants de la thèse refusent, avec les antirationalistes extrémistes, la discussion raisonnable en ce qui concerne leur propre travail). On ne saurait ainsi guère parler de fronts clairement tracés, d’autant que peu parmi les antirationalistes semblent prêts à aller jusqu’à la conséquence ultime, l’acte destructeur gratuit, quoique de tels cas se soient produits dans certains groupes qui refusent non seulement la raison, mais encore toutes ses incarnations historiques (société organisée, État, exclusion de la violence).
Voilà, alors maintenant, vous me croyez ? Ou j'envoie la suite ?
Ecrit par Cornelius, le Vendredi 12 Mars 2004, 14:57 dans la rubrique "1 - ZONE LIBRE".
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Commentaires
Cornelius
12-03-04 à 16:50
Ah! ah! ah! Très drôle, quel esprit, quelle finesse, quel humour décapant, quelle dérision ! J'adore !
Vraiment Bravo ! Clap-clap-clap!
Cornelius
(Dans l'enfer du spectacle on appelle ça la "claque", mais l'artiste n'est pas obligé, comme ici, de la faire lui-même)
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Re: Limpide !
Jeremi
12-03-04 à 20:27
J'ai essayé de lire ce euh texte, cette euh rélexion, cette mhhh masturbation mentale, enfin ça quoi d'une seule traite, si si... sans drogue ni vitamine C mais je dois bien avouer que j'ai craqué en chemin, juste apres le tout est dans tout et inversément du milieu du début de la troisième ou quatrième ligne.
Néanmoins, je pense sincèrement, j'espère profondément que le petit Jérôme aura réussi à retrouver sa maman à la réception ! Pas vous ?
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