Survivre dans les millieux scientifiques

--> Conseils aux scientifiques débutants

Vous souvenez vous de Jacques Bergier ? Non ? Normal, la plus part d'entre vous êtes trop jeunes et l'oubli est souvent le destin des authentiques grands hommes (en général on ne se souvient que des médiocres). Et bien, j'ai copié ce qui suit de l'un de ses bouquins. Amusez-vous bien.......
(comme toujours, j'y ai apporté quelques ajustements personnels. Que tous ceux qui les repèrent m'écrivent. Par retour du courrier, ils recevront comme prix un magnifique "gag" à peine usagé.)

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Le professeur Philip A. Crispino, conseiller de la société Poster D. Snell Inc. a donné dans une célèbre revue scientifique, quelques conseils aux débutants sur l'utilisation des mathématiques dans les publications scientifiques.
L'auteur explique qu'il importe de faire sérieux et que personne ne vous prend au sérieux si vous écrivez simplement 1 + 1 = 2. L'auteur montre donc par l'utilisation des mathématiques supérieures qu'on arrive à écrire 1 + 1 = 2 sous une forme qui tient trois pages d'un journal scientifique et qui n'est compréhensible qu'à un agrégé de mathématiques. Cela permet de se faire respecter et finalement d'espérer le prix Nobel. Je ne peux malheureusement pas donner la formule définitive, équivalent à 1 + 1 = 2 à laquelle le professeur arrive, car elle occupe presque une page et exige des symboles extrêmement compliqués.

Un travail dans le même sens a été publié par Abraham Van Helsing dans American Scientist, 1958, n°46.
L'auteur recommande aux savants voulant se faire respecter de ne jamais utiliser les lettres de l'alphabet latin, mais de l'alphabet grec, cyrillique ou sanscrit. Il est bon, poursuit-il, d'introduire une lettre grecque à la page 6 de l'exposé, mais de ne pas en définir le sens avant la page 86 ce qui force le lecteur à lire. Il est bon également de multiplier, d'imbriquer les parenthèses, les crochets, les signes "sommation" et d'une façon générale tous les signes qu'on ne trouve pas dans une imprimerie ordinaire. Il est bon également d'introduire au-dessus de certains symboles, un point noir bien gras ou une barre dont on n'explique jamais le sens. Il est bon également de laisser tomber de temps en temps deux pages essentielles de calculs en les remplaçant par les mots "C'est évident".
L'auteur annonce qu'il prépare un ouvrage en deux volumes intitulé L'art des mathématiques, ouvrage qui sera totalement illisible.
Parmi les autres recommandations pratiques, destinées selon Van Helsing à permettre à l'apprenti mathématicien de faire carrière, on trouve celle-ci :
- Ne jamais relire les épreuves, utiliser des symboles absolument incompréhensibles qui auraient été expliqués en caractères très petits, en notes, au bas de pages. Cela donne l'impression que le livre est extrêmement calé. Ne jamais utiliser de symbole dans le sens où tout le monde les utilise. Par exemple, utiliser le fameux symbole "pi" non pas pour le rapport entre la circonférence et le diamètre d'un cercle mais pour désigner n'importe quelle grandeur commençant par un "p", la pression, par exemple.
- Utiliser la même lettre pour plusieurs choses à la fois, par exemple "F" pour force, frottement, fluor et Faraday.
- Employer plusieurs variétés de la même lettre dans la même équation des F grands, petits, cursifs, italiques, grecques, cyrilliques, sanscrits.
- Dans les formules et les textes explicatifs, permuter l'usage habituel des symboles, par exemple dans la deuxième loi de Newton utilisez "m" pour l'accélération et "a" pour la masse.
- Se reporter constamment à l'oeuvre éminente d'un grand mathématicien : Alice au Pays des Merveilles. Lewis Carroll y a écrit en effet : "Il ne s'agit pas de savoir ce que veulent dire les mots que j'emploie, il s'agit de savoir qui est le maître ici."
D'après Van Helsing, ces simples règles, si elles sont observées avec soin, permettent d'arriver rapidement à un professorat d'université, puis à un poste de directeur d'Institut.

Bien entendu cette revue est pleine de conseils sur l'art d'avoir l'air de faire de la recherche scientifique sans se surmener.
Il y a par exemple la méthode consistant à annoncer à ses supérieurs des résultats sensationnels prochains et ensuite de dire à ses subordonnés que les supérieurs demandent ces résultats d'urgence.
Il est bon également de changer son nom de façon à ce qu'il commence par A ou d'avoir un collaborateur dont le nom commence par A. Car, lorsqu'une revue scientifique reçoit en même temps deux articles sur le même sujet, elle les publiera par ordre alphabétique.
Il est recommandé d'insister sur les considérations de secrets atomiques qui vous empêchent de révéler ce que vous avez trouvé.
On peut augmenter aussi le nombre de ces publications -un savant est jugé par leur nombre plutôt que par leur qualité- en faisant des articles qui signalent les erreurs des autres savants. Après quoi on envoie à la revue scientifique en question une lettre rectificative signalant une erreur dans l'article qui rectifiait les erreurs des autres. La pompe est amorcée et on peut continuer indéfiniment.
J'ajouterai pour ma part qu'en France les comptes rendus de l'Académie des Sciences sont surtout composés de publications du type précédent au nième degré.

Ecrit par Cornelius, le Vendredi 2 Avril 2004, 18:15 dans la rubrique "1 - ZONE LIBRE".

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