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Au point où il en est, il n'y a plus que l' humour - noir - qui l' empêche encore de mal tourner... LE MONDE !

Un beau conte pour Pâques.

Voici une très belle histoire extraite des aventures des chevaliers de la table ronde et qui tombe "pile poil" en cette période de Pâques.
(Comme toujours, que les rares qui veulent les références complètes m'écrivent)

LES TRIBULATIONS DU GRAAL

MERLIN ne peut s’empêcher de sourire à la pensée qu’il va revoir, enfin, le roi Arthur et la reine Guenièvre, messire Gauvain et ses frères, Agravain, Guerrehès et Gahériet, leur cousin Galessin le rouge moissonneur, Sagremor et les deux Yvain, Kaherdin et Dodinel le chasseur sauvage, et tant d’autres bons compagnons qui lui sont également chers... et Keu lui-même. De nouveau ils le feront juge de leurs querelles et, le plus souvent, il parviendra à les apaiser car le roi et les siens, en dépit de la violence de leurs passions, s’efforcent de tenir loyalement leurs serments de chevalerie.
Merlin espère bien atteindre, dès ce soir, le château de Carduel. C’est, en effet, à Carduel qu’Arthur tiendra sa cour cette année. Presque tous ses vassaux s’y trouvent déjà réunis. La plupart ont amené leur épouse, quelques-uns n’ont pas craint d’y venir avec leur amie ; tous se promettent une grande joie de ces fêtes durant lesquelles, pour la première fois de leur règne, Arthur et Guenièvre recevront leurs hôtes la couronne au front.
La nuit est déjà tombée -une fraîche nuit d’avril lavée par la pluie et toute scintillante d’étoiles- lorsqu’un harpiste aveugle se présente devant les fossés de Carduel. Comment refuser l’hospitalité au pauvre hère qu’un destin si cruel a privé de la lumière de Dieu ?... Le portier abaisse en grommelant le pont-levis et fait entrer le barde errant.
L’aveugle, s’aidant de son bâton de houx pour se guider, se rend tout droit à la salle où se tiennent Arthur et sa cour : il franchit la porte ; chevaliers et dames lui font place ; il s’avance encore de quelques pas, salue le roi et le prie de lui accorder la permission de chanter un lai ou deux... La noblesse de son maintien, la beauté de son visage plaident en sa faveur. Le roi Arthur consent de grand cœur à l’entendre. L’étranger accorde sa harpe et prélude, puis il chante.
Tout d’abord, le vieil homme célèbre les amours d’Arthur et de Guenièvre. Il dit la bravoure et la sagesse du roi ainsi que la grâce et la beauté de celle qu’il a choisie pour en faire, à la fois, son épouse très aimée et la reine des deux Bretagnes. Il annonce, enfin, le retour à un merveilleux état d’innocence où tout ne serait plus qu’enchantement de l’âme et plaisir de l’esprit. Alors, par surcroît, la nature toute entière s’associerait à ce nouvel âge d’or : ce qui semblait mort renaîtrait de ses cendres et ce qui n’était qu’affaibli par le temps retrouverait sève et vigueur, au point que tel sarment de vigne, en apparence desséché, fournirait le plus délicieux des vins et que tel églantier sauvage, n’ayant jamais porté de greffon, donnerait des roses incomparables... Et le mal se changerait en bien et la tristesse en joie parce que la convoitise et la haine auraient fait place à l’amour.
Et la terre ne connaîtrait plus d’hiver, ni d’été, ni d’automne mais un éternel printemps de louange et d’adoration en l’honneur du Créateur.
Ceux qui l’écoutent savent qu’il ne s’agit que d’un conte, et cependant ils ne peuvent s’empêcher d’en être profondément touchés. Les étoiles pâlissent dans le ciel, l’aube va naître, l’aveugle joue et chante encore... « Sire, dit-il soudain, n’ai-je pas abusé de la permission que vous m’aviez accordée... Je n’ai chanté qu’un seul poème, il est vrai, mais il était long ! »
Tous s’étonnent de la fuite du temps. Ils semblent s’éveiller d’un songe. Le son de la harpe, allié à la voix grave et pure du chanteur, leur a fait oublier les menus plaisirs et les afflictions dont leur vie journalière est tissée. Leur cœur s’est dilaté de tendresse comme sous la caresse d’une lumière surnaturelle. Et maintenant, ne sachant par quels mots exprimer le sentiment de vide qu’ils éprouvent, ils se taisent.
Le roi se rend compte que nulle récompense ne peut payer à son prix un tel message. Voulant honorer le vieux barde, il lui demande cependant de fixer lui-même son salaire.
« Sire, je ne chante que pour mon plaisir et celui des autres. Je n’ai besoin de rien, sinon de quelques brassées de paille en guise de couche, d’un peu d’eau et d’un morceau de pain, mais, si vous désirez me donner une dernière joie, vous me laisserez porter votre enseigne lors de votre prochaine bataille... et je mourrai comblé ! »
Quel chef de guerre confia jamais son enseigne à un aveugle ? Le roi, qui ne s’attendait pas à une telle demande, ne sait trop que répondre. Mais, tandis qu’il hésite dans la crainte de peiner l’infirme par un refus, le beau vieillard se transforme en un tout jeune garçon, aux cheveux blonds ébouriffés et aux yeux couleur de mer, qui lui dit en riant :
« Ne me reconnaîtrez-vous donc jamais sous les fausses apparences qu’il me plaît quelquefois d’emprunter ?.. »
Aussitôt dames et chevaliers s’écrient que seul Merlin a pu les abuser ainsi et, du même coup, leurs yeux se dessillent et Merlin leur apparaît effectivement sous sa forme naturelle. Ils se ressaisissent rapidement, mais un peu du charme que l’Enchanteur a versé dans leurs âmes y demeure et, malgré leurs protestations et leurs rires, ils ne peuvent se défendre d’éprouver un poignant regret à la pensée qu’il s’agissait seulement d’un leurre.
Et pourtant Merlin n’a pas voulu les décevoir. Il se justifie :
« Sans doute ne verrez-vous jamais fleurir, ici-bas, cet âge d’or dont je vous ai donné la nostalgie, car l’homme s’est condamné lui-même, par le péché, à la souffrance et à la mort ; mais, grâce aux mérites infinis de Celui qui racheta la faute de nos premiers parents au prix de Son propre sang, vous pouvez espérer connaître un jour, dans l’Autre Monde, des joies infiniment plus hautes que celles de l’Éden.
« Si je suis revenu aujourd’hui parmi vous, ce n’est pas, en effet, pour vous donner d’inutiles regrets mais pour vous proposer, au nom de Notre Sire lui-même, une entreprise dont peut dépendre votre salut.
« Je ne mets en doute ni votre foi ni votre bonne volonté : les luttes que vous avez soutenues pour la défense de la Chrétienté étaient nécessaires ; mais ces victoires que vous avez obtenues sur les ennemis de Dieu, ne les avez-vous pas finalement exploitées à votre avantage ? Or, je vous en avertis, si vous ne poursuivez, pas, désormais, un but purement surnaturel, vous finirez par perdre cet esprit de chevalerie qui fut, et qui demeure, votre seule justification.
« Vous avez entendu parler du Saint Graal. Vous savez que l’on nomme ainsi le calice dont Jésus-Christ se servit le jour de la Cène pour instituer le sacrement de l’Eucharistie. Nul n’a pu vous en dire davantage car les Saintes Écritures elles-mêmes sont muettes à son sujet.
« Égaré depuis des siècles, ce vase du Saint Graal doit être recherché et retrouvé avant que cette génération ne passe. TELLE EST LA VOLONTÉ DE NOTRE SIRE.
« Ai-je besoin de le dire ?.. Ceux qui prendront part à cette recherche pleine de périls devront tout d’abord se renoncer à eux-mêmes, mais les souffrances qu’ils endureront ne seront jamais vaines et leurs plus cruelles humiliations leur seront comptées dans l’Au-Delà comme autant de victoires. Et ce n’est que juste, car, aux yeux du monde, un seul triomphera.
« Grâce aux lumières dont je suis redevable à Dieu, je connais le nom de Celui qui mettra fin aux aventures merveilleuses de cette quête en redécouvrant le Graal. Cependant je n’ai pas le droit de le désigner, aujourd’hui, autrement qu’en l’appelant « Le meilleur Chevalier du Monde » afin que chacun d’entre vous puisse conserver jusqu’au dernier instant l’espoir de triompher, si indigne qu’il soit en apparence de cette faveur sans prix.
« Qu’il vous suffise de savoir que le Meilleur Chevalier du Monde ne devra pas seulement être brave, mais le plus brave, désintéressé, mais le plus désintéressé, secourable, mais le plus secourable, pur enfin, mais le, plus pur, c’est-à-dire, encore une fois, véritablement LE MEILLEUR. Mais ne l’ai-je pas ainsi trop clairement dépeint ?...
« Et maintenant écoutez tous attentivement l’histoire du Saint Graal, depuis son origine jusqu’au jour douloureux où sa trace s’est perdue, car cette histoire est la plus belle de toutes celles qu’une oreille d’homme ait jamais entendue.
« Au temps où Notre Sire fut mis à mort, la Judée était gouvernée par un procureur romain du nom de Pilate, or l’un des meilleurs chevaliers de ce Pilate, Joseph d’Arimathie, comptait lui-même parmi les disciples du Christ.
« Lorsque Joseph d’Arimathie apprit la mort de Jésus, il en fut très attristé ; s’étant rendu chez Pilate, il lui dit ceci :
« Sire, je vous ai servi longtemps sans aucune solde, ne serait-il pas juste que vous m’en teniez compte ?… »
« Pilate, qui estimait Joseph au-dessus de tous les autres chevaliers de sa maison pour son courage et sa droiture, en convint bien volontiers. Joseph d’Arimathie reprit donc :
« Je n’ai pas à vous le cacher, car vous avez toujours été bon pour moi : ce Jésus de Nazareth, que les Juifs ont crucifié si cruellement et si injustement, était mon ami. Donnez-moi son corps !
- « Je pensais que vous me demanderiez davantage, répondit Pilate. Enterrez votre ami comme vous l’entendrez ! » Puis, se ravisant, il ajouta : « Puisque cet homme vous était si cher, prenez le vase dans lequel il a bu pour la dernière fois ; mes soldats l’ont saisi chez Simon ; je vous en fais don au nom de l’amitié que vous lui portiez ».
« Et, tout aussitôt, Joseph reconnut le vase que lui tendait Pilate comme étant celui dont Notre Sire s’était servi en guise de coupe pour instituer le sacrement de Son Précieux Sang, le soir de la Cène. Ayant remercié Pilate, Joseph se rendit alors avec ses deux fils au lieu même où Jésus avait été mis en croix.
« Tout d’abord, les Juifs qui gardaient les corps des suppliciés s’opposèrent à ce que Joseph s’emparât de celui de Jésus
« Ses disciples, dirent-ils, ont assuré qu’il ressusciterait mais nous saurons bien l’en empêcher. Qu’il bouge et nous le transpercerons à nouveau de nos lances et, s’il tente mille fois de ressusciter, nous le tuerons mille fois ! » Cependant, devant l’ordre écrit de Pilate, ils durent céder.
« Joseph d’Arimathie, s’apercevant que les plaies du Sauveur saignaient encore, recueillit le sang qui coulait de Son côté ainsi que de Ses mains et de Ses pieds dans le vase que Pilate lui avait donné ; puis, ayant enveloppé le corps du Christ dans un linceul tout neuf, le bon chevalier le transporta secrètement dans le sépulcre qu’il s’était fait construire, au flanc de la montagne, en prévision de sa propre mort.
« Lorsque, trois jours plus tard, les Juifs apprirent que Jésus était en effet ressuscité comme il l’avait prédit, ils tinrent conseil. Ne pouvant plus s’en prendre au maître ils jurèrent de se venger sur le disciple :
« Faisons-le disparaître, se dirent-ils entre eux, afin que nul n’en entende plus jamais parler ! » Ayant pris Joseph, ils le murèrent, en effet, dans un pilier de la maison de Caïf dont le centre était creux malgré son apparence massive.
« A la nouvelle de la disparition de Joseph, Pilate mena tout d’abord grand deuil car il perdait avec lui l’un de ses meilleurs et de ses plus dévoués chevaliers, puis il y songea moins souvent et, enfin ! il l’oublia. Mais Celui pour qui Joseph souffrait eut plus longue mémoire ; il vint à lui à travers le pilier et ne le quitta plus. Lorsque Joseph vit la clarté dans laquelle se tenait Notre Sire, il s’émerveilla :
« Qui êtes-vous ? s’écria-t-il. Une telle clarté vous enveloppe que je ne puis vous voir !
« Je suis Jésus, le fils de la Vierge, lui répondit là clarté. Né moi-même d’une femme afin qu’une femme sauve ce qui avait été perdu par une femme, je ne suis pas seulement ton Dieu mais aussi ton Ami. »
« Ayant ainsi rassuré Joseph, Notre Sire lui montra la précieuse écuelle ; et pourtant le bon chevalier croyait l’avoir cachée de telle manière que personne ne pût la découvrir.
« Au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, dit la clarté, conserve l’écuelle du Graal avec le plus grand soin et recommande à ceux qui viendront après toi de l’entourer des mêmes égards. Je t’accorderai pour récompense de participer au divin sacrifice jusqu’à la fin des temps, car jamais prêtre consacré ne versera l’eau et le vin dans le calice sans que les anges n’évoquent le nom de l’humble vase qui te servit à recueillir les dernières gouttes de mon sang. La patène leur rappellera, en outre, la pierre dont tu recouvris mon sépulcre et le corporal les fera souvenir du linceul avec lequel tu enveloppas mon corps supplicié. Ne crains rien, car tu ne mourras pas dans cette étroite prison, tu en sortiras bientôt sans qu’il te soit fait aucun mal. D’ici là, derrière cette clarté qui doit chasser toute crainte de ton cœur, je te tiendrai compagnie ».
« Si ce miracle a été passé sous silence dans les Saints Évangiles, c’est parce que ceux-ci relatent seulement les faits dont les apôtres ont été personnellement les témoins, mais il n’en est pas moins certain ayant été consigné au livre du Graal ou Gréal, qui est le nom donné par Notre Sire Lui-même au vase du premier sacrifice.
« Ainsi Joseph d’Arimathie demeura-t-il emmuré dans ce fort pilier pendant près de trente années, au cours desquelles il ne ressentit ni faim ni soif, ni langueur ni ennui, ni crainte, car la clarté lui tenait lieu de nourriture et de réconfort ; et le temps lui parut même si court qu’il crut, lorsque l’empereur Vespasius le fit délivrer à la suite de sa propre conversion à la foi chrétienne, n’avoir pas vécu plus de trois journées dans cette misérable cellule. Et il est bien vrai que sa claustration prit fin un Dimanche de Pâques, mais trente ans seulement après la résurrection du Christ... Ce qui explique la surprise et l’émerveillement de ses anciens amis, et plus encore des membres de sa famille, sans excepter sa propre épouse en le retrouvant aussi jeune, après cette longue absence, que si ces trente années n’eussent pas compté pour lui.
« Tel fut le premier miracle du Saint Graal.
« Mais la nuit même de sa délivrance, Joseph entendit une voix qui lui commandait de quitter le pays sur-le-champ, avec tous les siens, sans rien emporter d’autre que l’écuelle du Précieux Sang. Ainsi commencèrent les tribulations du Graal ».
Merlin conta ensuite comment le roi sarrasin, Évalac le Méconnu, se convertit à la vraie foi et fut baptisé sous le nom de Mordrain après avoir fait brûler l’idole dont il était devenu amoureux charnellement, et non sans quelque apparence de raison car l’auteur de cette idole avait su lui donner une ressemblance de femme si merveilleusement fidèle qu’on l’eût crue vivante. Ainsi fut converti le pays de Sarras à la loi du Christ.
« Le temps me manque, continua Merlin, pour vous narrer par le menu les merveilles survenues au pays de Sarras après la conversion de Mordrain à la vraie foi. Sachez seulement que Mordrain avait un beau-frère, du nom de Nascien, qui s’était lui-même fait baptiser. Or une nuit où Nascien, de passage dans la cité de Sarras, dormait profondément, une grande main vermeille l’arracha de son lit et l’emporta dans les airs pour le déposer au cœur même de l’Ile Tournoyante. De cette île la plupart de ceux qui en ont parlé jusqu’ici ne savaient presque rien, mais moi je vous dirai de quoi elle était faite : lorsque, au commencement de toutes choses, Dieu créa le monde, il prit soin de bien séparer les quatre éléments qui devaient constituer l’univers : la terre, l’eau, l’air et le feu. Toutefois une infime partie de ces quatre éléments lui échappa et se mélangea pour former une sorte d’énorme incandescente. Trop lourde pour s’élever dans les airs, trop légère pour retomber sur la terre, cette écume impure demeura en suspens à la surface des eaux et là, sous l’effet du mouvement des astres, se mit à tournoyer sans fin, d’où le nom d’Ile Tournoyante que les anciens lui donnèrent.
« C’est dans cette île informe et toujours prête à se détruire elle-même, que Nascien se trouva transporté par Celui qui peut tout. Lorsqu’il comprit en quel lieu de désolation la main de Dieu l’avait placé, le malheureux en conçut tout d’abord une immense frayeur. Voyant bien que nul être vivant, ni homme ni bête, ne pouvait vivre sur pareille terre, il se mit à genoux et, tourné vers l’Orient, pria Notre Sire de l’arracher à sa position misérable. Au même instant lui apparaissait, montant de l’horizon, une nef merveilleusement riche. Bientôt le bel esquif accostait l’île.
« Nascien entra sans nulle crainte dans cette nef, après s’être protégé du signe de la croix. A sa grande surprise, nulle créature vivante ne s’y trouvait. Sur un lit de parade, il vit seulement, à demi dégainée, une épée qui lui parut la plus belle et la plus précieuse du monde, à cela près que ses renges, ou attaches, d’ailleurs trop faibles pour permettre de la suspendre à la ceinture, étaient faites de vulgaire chanvre. Des lettres gravées sur son fourreau justifiaient ce choix étrange : « Ces faibles et viles attaches, disaient ces lettres, devront être changées, un jour, pour de plus belles par la main d’une jeune vierge. Seul, ajoutait l’inscription, le Meilleur Chevalier du Monde pourra tirer sans risque cette épée de son fourreau. Et quiconque tenterait de le faire, en dehors de lui, y perdrait la vie ».
« Autour du lit, avaient été placés trois fuseaux de bois : le premier plus blanc que neige fraîchement tombée, le second vermeil comme du sang, et le troisième d’un vert aussi éclatant que celui de l’émeraude.
« Or -continua Merlin- avant d’en finir avec l’aventure de Nascien, il me faut bien vous dire l’origine de cette nef et sa destination ainsi que le sens de l’épée et des trois fuseaux qui se trouvaient à son bord.
« Lorsque Ève, la pécheresse, prêtant l’oreille aux conseils de l’Ennemi, cueillit le fruit défendu, elle arracha, en même temps que la pomme, le rameau qui portait celle-ci. Ayant goûté au fruit, Adam et Ève s’aperçurent qu’ils étaient nus et, tout aussitôt, notre premier père se cacha de ses mains, tandis que sa compagne s’efforçait de se protéger au moyen du rameau. Mais leur faute n’avait pu échapper à celui dont les ténèbres elles-mêmes ne sauraient tromper la Vigilance. D’ailleurs leur propre honte les accusait.
« Au moment où elle fut chassée du Paradis Terrestre en compagnie d’Adam, Ève tenait à la main le rameau feuillu. Ce rameau étant le seul objet qu’ils aient pu emporter avec eux, Adam et Ève décidèrent de le garder précieusement en souvenir de l’Éden et, comme ils ne possédaient ni coffre ni huche où ils eussent pu le mettre, Ève le piqua en terre. Par la volonté du Créateur et en signe de Son pardon, ce rameau s’enracina, si bien qu’en peu de temps il devint un grand et bel arbre, blanc d’écorce et blanc de feuilles. Et ainsi était-il pour signifier, d’une part, qu’Ève n’avait pas encore perdu sa virginité lorsqu’elle le planta et, d’autre part, qu’un jour à venir toute trace de la colère de Dieu serait effacée.
« Réconfortés par la vue de ce bel arbre couleur de neige, Adam et Ève en repiquèrent des branches qui se transformèrent, à leur tour, en arbres pareillement immaculés. Puis ces arbres formèrent bientôt un bois, de plus en plus vaste et touffu, sous lequel ils prirent l’habitude de venir se reposer chaque fois qu’ils pouvaient s’accorder quelque loisir entre leurs rudes travaux.
« Or, un matin où ils se trouvaient étendus sous l’un de ces arbres, une voix d’en haut leur ordonna de s’unir charnellement tandis que de profondes ténèbres les enveloppaient afin qu’aucun être vivant ne fut témoin de leur première étreinte. Ainsi engendrèrent-ils Abell leur fils aîné.
« Lorsque l’obscurité se dissipa, Adam et Ève remarquèrent avec surprise que le bel arbre sous lequel ils s’étaient unis, en grand amour de leur Créateur, de blanc qu’il semblait être autrefois était devenu vert. Dès le printemps suivant, cet arbre dont les racines avaient été fertilisées par leurs douces effusions, porta des fleurs et des fruits, ce qu’il n’avait encore jamais fait. Et tous les arbres issus, par la suite, des fruits de cet arbre vert furent également verdoyants et féconds, tandis que les rameaux arrachés autrefois à l’arbre immaculé n’avaient jamais donné que des arbres blancs et stériles.
« Hélas ! ce fut aussi au pied de cet arbre de vie, sous lequel il avait été engendré, qu’Abel reçut la mort de la main de son frère Caïn. Alors il arriva une grande merveille : dès que le sang d’Abel eut rejailli sur son écorce, l’arbre tout entier devint couleur de sang. Mais cet arbre rouge demeura unique : aucun de ses rameaux ne prit jamais racines.
« Ce bois, constitué d’arbres blancs et verts avec, en son centre, un seul arbre vermeil, traversa le déluge sans dommage et il était encore dans toute sa force et sa beauté au temps du roi Salomon. Lorsque celui-ci édifia le temple auquel son nom reste attaché, il fit abattre et façonner les plus beaux arbres de ce bois afin d’en tirer les colonnes de la maison de Dieu. Cependant ce grand roi eut soin d’épargner l’arbre rougi par le sang du premier juste, sachant que d’autres fins plus hautes l’attendaient : ce fut en effet sur cet arbre que les Juifs, quatre mille ans plus tard, crucifièrent Notre Sire Jésus, le Rédempteur du monde, par qui toute faute ancienne devait être effacée.
« Salomon, qui avait reçu de Dieu toutes lumières et toutes grâces, ne sut pas cependant se garder des entreprises de la plus redoutable de Ses créatures, parce que la plus faible en apparence ; j’entends bien désigner ainsi la femme !... Mais il ne faut pas s’en étonner, ajouta Merlin en soupirant, car, lorsqu’une femme jeune et jolie met les charmes qu’elle tient de sa nature au service de la ruse, nul homme ne saurait lui résister. Ainsi en fut-il de Salomon, ce qui explique le ton désabusé de certains passages de ses paraboles et, plus particulièrement, de celui-ci :
« J’ai fait le tour du monde et j’ai cherché de mon mieux, je n’ai jamais pu découvrir une femme vraiment bonne ».
« D’ailleurs, à l’instant même où il achevait d’écrire ces lignes injustes, le roi poète s’entendait réprimander en ces termes par la plus redoutable des voix :
« Salomon, ne méprise pas ainsi les femmes. Sans doute le chagrin fut-il apporté à l’homme par sa première compagne, mais sache qu’une autre femme, issue de ta propre lignée, vaudra au monde une joie infiniment plus haute que celle de l’Éden en réparant, et bien au delà, le mal causé par la désobéissance de son aïeule ».
« Après avoir entrouvert devant Salomon émerveillé les portes d’ombre, qui lui masquaient jusqu’à ce jour le mystère de l’Incarnation, la voix reprit : « Un fils naîtra de cette bienheureuse Vierge mais ce fils, le Messie ou Rédempteur si souvent annoncé par les prophètes, ne marquera pas la fin de ton lignage. Le dernier rejeton de ta race sera un chevalier dont la valeur dépassera celle des autres chevaliers de tous les temps comme la clarté du soleil éclipse celle de la lune et la fait oublier. C’est pourquoi on l’appellera LE MEILLEUR CHEVALIER DU MONDE.
« Salomon éprouva une grande joie de cette révélation et son cœur se dilata de tendresse, mais cette joie se mua bientôt en chagrin à la pensée qu’il ne connaîtrait jamais ce chevalier si preux qui serait la dernière fleur de l’arbre de David. Du moins eut-il aimé lui faire savoir qu’il avait pressenti sa venue... S’en étant ouvert à sa bien-aimée, celle-ci, dont l’esprit était merveilleusement subtil et avisé, lui conseilla de faire construire une nef qui pût durer quatre mille ans, sinon davantage. Dans cette nef il déposerait l’épée de son ancêtre le roi David, ainsi que trois fuseaux provenant des trois variétés différentes de l’arbre de vie : blanche, verte et vermeille.
« La nef fut bientôt prête. Lorsque l’épée eut été placée à son bord cette femme l’agrémenta d’attaches de chanvre trop faibles pour en porter le poids, afin qu’une autre femme fut amenée, plus tard, à changer ces faibles et viles attaches pour de meilleures, comme la Vierge Elle-même changerait bientôt en grâces et en bénédictions l’œuvre fautive de la première pécheresse.
« Après avoir fait graver, sur l’acier, le texte interdisant à tout chevalier qui ne serait pas le meilleur du monde de porter la main sur l’épée pour la dégainer, Salomon ne put s’empêcher d’ajouter cet ultime avertissement :
« O chevalier, le dernier de mon sang, si tu veux vivre en paix avec Dieu et avec toi-même, garde-toi, par dessus tout, des femmes, car ni science ni prouesse ne sauraient préserver de la honte quiconque les écoute et leur cède ».
« Enfin la nef fut mise à la mer, toutes voiles hautes, et bientôt la brise l’emporta vers le large. Et personne au monde ne la revit avant Nascien.
« Tandis que Nascien s’oubliait dans la contemplation de l’épée, un grand vent s’éleva qui éloigna rapidement la nef de l’Ile Tournoyante ; puis une véritable tempête souleva l’Océan. Cette tempête devait durer huit jours et huit nuits. Pendant ces huit jours et ces huit nuits, Nascien ne vit ni la clarté du jour ni celle des étoiles. A tout autre, ce voyage dans les ténèbres, sous les rafales d’une pluie diluvienne, eut semblé interminable, mais Nascien, ayant mis sa foi en Dieu, ne cessa de L’adorer dans son cœur durant cette longue épreuve, si bien qu’il ne sentit ni la faim, ni la soif, ni la peur.
« Au neuvième jour, comme la mer était devenue douce et paisible, il s’endormit. Alors un homme vêtu de rouge lui apparut en songe et cet homme l’appela :
« Nascien, Nascien ! N’essaie pas de revenir en arrière. Laisse cette nef te mener vers la terre que j’ai choisie pour toi et pour ta descendance. Tu ne reviendras jamais du pays d’Occident. Quand trois cent ans se seront écoulés, le dernier homme de ta lignée remontera dans cette nef, imaginée et construite par ton ancêtre Salomon, afin de rapporter à Sarras le vase du Saint Graal dont Joseph d’Arimathie est aujourd’hui le dépositaire ».
« Lorsque la clarté du jour éveilla le dormeur, il s’aperçut avec surprise que la nef était maintenant toute proche d’un rivage qu’il ne connaissait pas. Une belle terre s’étendait devant lui ; or cette terre n’était autre que celle de Grande Bretagne sur laquelle Joseph d’Arimathie avait lui-même pris pied quelques jours plus tôt.
« Un petit groupe d’hommes et de femmes se tenait près du rivage. Quelle joie fut la sienne lorsqu’il reconnut dans ces naufragés Joseph et sa famille. Dès qu’il le put, Nascien se hasarda sur le sable tandis que la nef merveilleuse virait de bord et, d’elle-même, cinglait à nouveau vers le large.
« Depuis lors nul ne l’a jamais revue... Et nul ne la reverra, chers seigneurs, avant la venue du Meilleur Chevalier du Monde ».
Merlin dit encore comment Joseph d’Arimathie convertit successivement à la vraie foi les royaumes de Northumberdland et de Norgalles, après avoir couru mille dangers qu’il serait trop long de rapporter ici. Il narra ensuite la trahison du roi Grudel et son châtiment ainsi que la faute et la punition du roi Mordrain, qui n’avait pas tardé à rejoindre son beau-frère Nascien en Grande Bretagne, sur l’avis de Notre Sire Lui-même :
« Depuis quelque temps déjà, le roi Mordrain ne pouvait trouver le sommeil tant le désir de voir de ses propres yeux le Précieux Sang que la sainte écuelle passait pour contenir le tourmentait. Mais une nuit cette tentation devint si vive et si poignante qu’il ne sut lui résister.
« Le Graal était conservé sous une tente, non loin de là. Un linge le recouvrait. Tremblant d’être surpris, Mordrain pénétra sous la tente et, tout aussitôt, il eut l’impression d’être environné de mille froissements d’ailes, comme si tous les oiseaux du ciel se fussent trouvés réunis dans cette étroite enceinte ; et l’air, saturé par ces invisibles présences, était si dense qu’à peine put-il se frayer un chemin jusqu’au vase merveilleux.
« Le Saint Graal était maintenant devant lui. La pensée qu’il allait pouvoir contempler, enfin ! le Sang du Christ chassa toute crainte de son cœur. Il tendit la main mais il n’eut pas le temps de retirer le linge sous lequel était cachée la sainte écuelle qu’un ange armé, au visage ardent comme la foudre, le repoussait et, l’ayant terrassé rudement, lui perçait les deux cuisses de sa lance.
« Roi Mordrain, lui cria l’ange, tu es trop hardi, car jamais homme vivant ne contemplera face à face les merveilles du Précieux Sang honnis celui que l’on appellera le Meilleur Chevalier du Monde ».
« Lorsque les ténèbres l’eurent de nouveau enveloppé, Mordrain s’efforça vainement de se relever ; il ne devait jamais guérir de ses blessures, d’où lui vint plus tard le surnom de « Roi Méhaigné ».
Puis Merlin expliqua comment fut dressée la première table du Saint Graal :
« Quelques-uns de ses compagnons s’étant abandonnés à la luxure, Joseph d’Arimathie en conçut un vif chagrin. Un jour où il pleurait plus amèrement encore que de coutume sur leurs péchés, l’Esprit Saint lui inspira la pensée de dresser une table qui rappellerait perpétuellement aux fugitifs celle de la Cène. Au milieu de cette table il déposerait, recouverte par un linge, la sainte écuelle du Graal, et tous ceux qui seraient en état de grâce pourraient s’asseoir autour du Graal et les mets qu’ils désireraient se présenteraient d’eux-mêmes devant leur place et ils se trouveraient rassasiés. Toutefois un siège demeurerait toujours libre, à la droite de Joseph d’Arimathie, en souvenir de Notre Sire et nul ne devrait s’y asseoir jusqu’à l’heure où le Sauveur en personne, ou son messager, viendrait l’occuper.
« Joseph s’empressa d’exécuter les ordres de l’Esprit Saint, puis il prit place, en compagnie des siens, autour de la table du Graal et la plupart de ses disciples l’imitèrent. Et, tout aussitôt, les uns et les autres éprouvèrent une merveilleuse douceur et leur faim s’apaisa d’elle-même sans que nul ne se fut montré pour les servir. Cependant le petit nombre de ceux qui étaient restés à l’écart, soit par honte naturelle de leur faute, soit qu’une grâce surnaturelle leur eût interdit de commettre le sacrilège de s’en approcher, n’en continuèrent pas moins à être tourmentés par la faim.
« Ainsi Joseph connut-il le nom des coupables.
« Tous n’acceptèrent pas d’un cœur contrit cette humiliation. Un chevalier nommé Moïse, plus hardi que les autres car son âme appartenait déjà au prince des ténèbres, protesta de son innocence et pour la prouver s’assit, par défi, sur le siège périlleux laissé vide par Notre Sire au soir de la Cène... Mais à peine l’eut-il fait que la terre l’engloutit.
« Alors tous ceux qui n’avaient pu s’approcher de la table du Graal commencèrent à s’apitoyer sur leur propre sort : « Devrons-nous mourir de faim en punition d’une seule faute ? » s’écrièrent-ils en donnant tous les signes de la plus vive angoisse, et non sans motifs car : le désert au milieu duquel l’Esprit Saint les avait entraînés ne leur offrait par ailleurs aucune nourriture. Cependant Alain, le dernier fils de Joseph d’Arimathie, que ces malheureux tenaient encore pour un enfant, l’ayant vu naître au cours de leur récent exode, leur dit de ne pas désespérer. Un étang se trouvait non loin de là. Alain y jeta son filet. Un seul poisson se laissa prendre mais il se multiplia de telle sorte que tous purent en manger à leur faim. C’est depuis lors qu’Alain, le benjamin des enfants de Joseph, fut nommé le Riche Pêcheur. Ayant épousé par la suite une fille de Nascien, Alain fit souche et devint le fondateur de la dynastie des Rois Pêcheurs... Ces Rois Pêcheurs dont vous prétendez tous descendre, chers seigneurs, ajouta Merlin.
« C’est peu de temps après ces aventures, poursuivit-il, qu’eut lieu le meurtre des douze frères de Chanaan. Vous en avez sans doute entendu parler car leurs tombes se voient encore au royaume d’Ecosse. Un soir où Joseph d’Arimathie et les siens se trouvaient, une fois de plus, réunis autour de la table du Saint Graal, Siméon et Chanaan ne purent s’y asseoir étant l’un et l’autre souillés par le péché de luxure qu’ils avaient commis ensemble le matin même. Se sentant désignés à tous les regards par cette exclusion, ils en conçurent un sentiment d’amère jalousie. La pensée qu’ils pourraient se venger impunément de leurs compagnons plus favorisés, lorsque viendrait la nuit, leur vint à l’esprit. Loin de chasser cette tentation ils l’accueillirent : le soir même, ils pénétraient ensemble sous la tente où dormaient les frères de Chanaan. Tandis que Siméon, moins déterminé dans le mal, ne faisait que blesser, grièvement il est vrai, son cousin Pierron, Chanaan profitait des ténèbres pour égorger ses onze autres frères. Chanaan, condamné à être brûlé vif, fut supplicié le lendemain ainsi que Siméon auquel une main de feu épargna, toutefois, les affres de l’agonie.
« Le bûcher de Chanaan flambe toujours, entouré des épées de ses douze frères, dressées toutes droites vers le ciel. Sur la tombe de Siméon fut élevée une chapelle expiatoire qui existe encore de nos jours.
«Joseph d’Arimathie devait s’endormir dans la paix du Christ peu de temps après cette dernière épreuve. Son fils aîné, Josephé, qui lui avait succédé comme évêque de Grande Bretagne, le suivit dans la tombe quelques années plus tard. Mais le roi Mordrain, si incroyable que soit ce miracle, vit toujours, éternel moribond, dans l’étroite cellule où Joseph d’Arimathie lui-même l’a laissé.
A côté du roi, gît l’épée flamboyante que l’ange brandit pour le blesser. Au-dessus de sa tête est suspendu l’écu sur lequel Josephé mourant dessina, au moyen de son propre sang, une croix vermeille dont les couleurs sont encore aussi fraîches et doivent demeurer à jamais aussi vives qu’à l’instant même où la main défaillante du premier évêque des deux Bretagnes la traça, afin de rappeler à quiconque en douterait combien notre foi dans la résurrection du Christ est justifiée.
Dernier survivant des gardiens du Graal, mais gardien bien peu redoutable, le roi Mordrain n’attend pour trépasser que la venue du Meilleur Chevalier du Monde. Mais si Mordrain sait bien que seul l’élu de Notre Sire peut le guérir de la blessure de l’ange, il sait également qu’aussitôt guéri il mourra.
« Ah ! Chers seigneurs, ce blanc chevalier, le meilleur du monde, qui doit mettre fin aux tribulations du Saint Graal en le rendant à la vénération de la Chrétienté, puisse-t-il ne pas tarder ! »
Le jour s’achevait. Merlin n’avait plus rien d’essentiel à dire à ceux qui l’écoutaient, du moins pour l’instant, car l’heure où il dresserait la seconde table du Graal n’était pas encore venue. Il avait amené les rudes compagnons d’Arthur, et le roi lui-même, à désirer l’avènement des temps aventureux mais il laisserait encore s’écouler plusieurs mois avant de leur indiquer plus clairement quelles voies ils devraient suivre pour conduire à son terme cette quête surnaturelle dont ils attendaient une joie si haute.

(Désolé pour la mise en page, mon éditeur ne fonctionne pas!)

Ecrit par Cornelius, le Jeudi 8 Avril 2004, 22:23 dans la rubrique "1 - ZONE LIBRE".

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