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Au point où il en est, il n'y a plus que l' humour - noir - qui l' empêche encore de mal tourner... LE MONDE !

Mais j'en ai marre d'enfoncer des portes ouvertes, mais j'en ai marre.......

L’expérience du désert dans la relation.

" Pourquoi les morts sont-ils si lourds à porter ? se demandait Montherlant. Ils sont lourds de toutes les paroles qu’ils n’ont pas pu dire. " Il y a des silences lourds, qui n’en finissent pas : le désert est entre nous ... La distance qui nous sépare semble infranchissable, nous avons beau appeler, expliquer, nul ne répond, nous sommes pourtant assis à la même table, mais il n’y a plus de communion, nous dormons dans le même lit, mais nous ne dormons plus dans les mêmes rêves et chaque matin, collés l’un à l’autre, nous nous retrouvons un peu plus éloignés.

Là encore les marchands de mirages, sexologues ou psychologues, vont nous proposer leurs techniques de communication ... et on communiquera étrangement avec son propre écho. La solitude n’en sera que plus vive et plus douloureuse la rupture. Entre nous c’est le désert, et ce n’est plus le beau silence de nos nuits étoilées, mais le froid, l’absence à fleur de peau ; les mots qui sortent de notre bouche sont des scorpions mortels et chacun empoisonne l’autre du venin de ses accusations ou de ses justifications.

Ce que peut nous apprendre le désert, c’est que l’autre est un autre et, dans une véritable relation, on ne fait pas l’économie de la différenciation, que cette différenciation prenne les formes agressives du conflit ou les formes plus sournoises de l’ennui – " l’autre nous pèse ", il résiste à nos volontés d’appropriation, il ne se laisse pas " réduire au Même ". Il n’est pas moi, il pense, il vit, il aime, " autrement ", et c’est peut-être vers cette révélation que nous conduit le désert, la révélation de l’Altérité - l’Autre irréductible à mes volontés de jouissance, de possessions, charnelles, affectives ou intellectuelles, " l’Autre comme visage ", disait Levinas.

Le désert est un lieu de différenciation. Je ne peux être déçu qu’à la mesure de mes attentes. J’attendais que l’autre réponde à une certaine image de l’homme ou de la femme, ou que nous répondions ensemble à une certaine image du couple, héritée de nos parents ou de la société. J’aimais " une autre moitié ", la moitié qui me manquait sans doute, je n’aimais donc que moi-même, et je découvre un autre, qui dans son altérité n’est plus là pour combler mes manques, " boucher mon trou ". Il est assez lui-même ou peut-être m’aime-t-il assez pour me décevoir, pour ne pas me répondre comme un miroir ou comme une somme de complaisances propre à m’enfermer dans mes revendications et frustrations infantiles.

Je rencontre alors " un autre entier ", qui me force ou m’appelle à ma propre entièreté, cette entièreté qui n’affichera pas " complet ", qui gardera toujours une soif pour accueillir l’autre, mais qui n’imposera plus ses manques et ne culpabilisera plus l’autre de ne plus les combler. L’épreuve du désert entre deux humanités conduit à l’oasis d’une vraie rencontre, rencontre de deux libertés qui au-delà des régressions fusionnelles et des impasses de la séparation se découvrent capables d’Alliance.

Tous n’ont pas le courage de traverser ce désert. Aux premiers refroidissements de la pulsion, aux premières affirmations de leurs différences irréductibles, ou à l’entrée dans la monotonie, l’ennui du quotidien, ils déclarent: " Je ne t’aime plus " et vont voir ailleurs, recommencer la même histoire, boire au même mirage, au moment même où la vraie source n’était pas loin, au bout de ce silence, de cette incompréhension, où l’on pardonne à l’autre d’être un autre et où enfin on va peut-être pouvoir l’aimer et le chanter dans sa différence.

Il y a les déserts de sable, il y a aussi le désert des sabliers, le temps de la patience, instant après instant, découvrir le miracle qui fonde notre alliance. Ce que nous apprend ce désert-là, c’est le non-attachement, la désappropriation de l’autre. Aimer quelqu’un c’est renoncer à l’avoir, à en faire un avoir. Dans ce renoncement nous est donnée la joie d’être, d’" être avec ", sans attente, sans exigence, mais non pas sans lucidité, rigueur et tendresse.

" Va vers toi-même ", disait la bien-aimée au bien-aimé dans le Cantique des cantiques. " Va vers toi-même ", c’est aussi la parole de Dieu à Abraham. Va vers ton désert, comme je vais vers le mien, c’est là qu’au détour des dunes nous nous rencontrerons, à l’oasis où, délivrés de nos soifs, nous serons le puits qui affleure l’un pour l’autre.

Il y a aussi au cœur de la relation le désert du deuil, deuil physique ou affectif " un seul être vous manque et tout est dépeuplé ", un seul être vous manque et le monde est un désert. Quand on rentre dans la maison vide, les couloirs n’en finissent pas et la chambre qui résonnait de nos rires ou de nos disputes, a des silences hostiles et " celui des deux qui reste se retrouve en enfer " ... Là aussi il nous faut apprendre que l’autre ne nous appartient pas, mais avant de pouvoir lui dire encore : " Va vers toi-même ", " va vers ta lumière ", le désert de nouveau est long à traverser.

Que nous apprendra la mort sinon ce que nous apprend déjà la solitude ? Savoir n’exister pour personne, n’être plus rien, un grain de sable dans le sable du temps.

Et là aussi, je peux être tenté par des mirages, chercher à communiquer avec les morts, " transcommunication ", tables tournantes, écritures automatiques ... cela m’apportera peut-être quelques consolations. Mais une consolation moins grande que celle de ma solitude acceptée, assumée, car dans cette solitude se découvre peut-être le miracle d’une alliance, d’une " relation autre " qui ne se vit plus sous les modes de l’espace-temps, mais sous le mode de ce que les anciens appelaient la " communion des saints ", participation subtile aux qualités de ceux qui ont disparu et qui nous demandent d’incarner davantage ces qualités.

Ainsi je n’ai pas à regretter la bonté de mon père, ou de mon amie, mais j’ai à les vivre davantage. Je ne me laisse plus emporter par les ailes de sa présence évanouie, je n’en suis que plus présent à la terre qui garde les empreintes de notre brève promenade, de notre passage commun.

Aimer l’autre, c’est renoncer à l’avoir, même mort, renoncer à ce qu’il revienne, découvrir qu’il est toujours là, dans un silence qui ne nous fait plus peur, dans un désert qui se fait l’hospitalier de ce que nous avons de plus précieux, l’essentiel qui reste quand il ne reste plus rien.

Ecrit par Cornelius, le Mercredi 28 Juillet 2004, 20:53 dans la rubrique "1 - ZONE LIBRE".

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Commentaires

Encore....Encore...

Jeremi

Jeremi

30-07-04 à 07:01

Bonjour ami !

Il est décidément jubilatoire autant que réconfortant de voir exprimer, et de si belle manière, certaines de ses convictions.

Je pestais l’autre jour contre les femmes, contre les mères qui, si elles n’ont bien sur pas tous les torts dans cette histoire, me semblent être pourtant l’un des vecteur principal de la notion de peur chez l’enfant. Combien de générations nous aura-il fallu pour passer d’une attention, d’un amour maternel légitime pour son enfant, au sentiment de peur, si mauvaise conseillère, qui prédomine actuellement. Peur de le voir tomber, se brûler, traverser la route, grimper à un arbre, mettre des objets à sa bouche….. Bref ! Chacune de ses peurs sont transmises à l’enfant, qui les intègre et les reproduit tout naturellement, une fois venu son tour. En prenant quelques raccourcis, même s’ils sont dangereux, nous en sommes arrivés aujourd’hui à ce qu’il soit communément accepté, voir même intégré par la majorité bien pensante, qu’une mère se doit, pour être une bonne mère, d’avoir peur pour ses enfants !

Ainsi donc, une idée fausse ou corrompue, transmise de générations en générations peut rapidement devenir une règle comportementale admise par la majorité.

Ainsi, Serait-il envisageable de penser que, depuis l’avènement de l’ère romantique, qui fit la part belle aux histoires d’amour tragiques, aux histoires impossibles, aux états de souffrance perpétuels, l’idée d’associer l’amour et la souffrance nous aie été progressivement inculquée, jusqu’à ce que nous l’intégrions comme faisant partie de nous même… ?

Réfléchissez ! Il est facile de vivre les yeux fermés en interprétant de travers tout ce que l’on voit… Quelles sont effectivement les valeurs ou les certitudes acquises par vous-même et celles qui vous ont été transmises par d’autres….

Ne pensez-vous pas que vos règles de vie ont été écrites par des personnes qui sont toutes mortes aujourd’hui…

Ecoute ta mère, écoute ton père, écoute ton prof, écoute Monsieur le Pasteur, écoute ton chef….. Mais écoute toi TOI…. Qui donc nous l'a dit ? 

A propos, àquand remonte la dernière fois que l'on m'a lu le Quantique des Quantiques... waouuuu...

C’est étonnant de voir à quel point la célèbre phrase Connais toi toi-même ne parle à personne ! On la répète sans y penser jusqu’à ce qu’à 40 ou 50 ans, cette phrase commence parfois un tant soit peu à nous interpeller…. Il est alors souvent bien tard pour entreprendre de tout casser, de tout remettre en question. Car quand vous commencez, vous vous rendrez peut être compte que les règles de la société, que vos croyances, que vos lois, que votre religion, que votre culture, que votre mode de vie, que tout ce sur quoi repose vos vies vous a été dicté par d’autres que vous-même…. Ce qui est juste, ce qui est beau, ce qui est bon, mauvais, faux…. Tout jusqu'à vos propres mots, tout ce que vous croyiez penser était déjà là avant que vous n’arriviez au monde !

Alors qui êtes-vous... VOUS ?

PS. N'oubliez tout de même pas de prendre votre veste... on dit chez le pressing ou au pressing...